SOURCES.

 

La Positio pour le procès en béatification du RP Sevin (Rome 1999, Grafiche Delfi s.r.l. Roma) vient de paraître. Deux volumes, poids : 6 kg, 1443 pages et un cahier photo de 10 pages. Contient de multiples documents sur le RP Sevin dont le texte des entretiens de 29 témoins. Source de documents incontournable pour l'historiographie future des Scouts de France.

Martyrs de la résistance spirituelle, victimes de la persécution nazie décrétée le 3 décembre 1943, dossiers biographiques de 50 laïcs (14 Scouts de France, 18 J.O.C., 1 J.E.C.), séminaristes et prêtres, morts en Allemagne, ayant fait de l’apostolat auprès des jeunes S.T.O. et dont la la cause de béatification est ouverte depuis 1988. Dossiers présentés par Mgr Charles Molette, postulateur général de la cause, éd. F.X. de Guibert, 1999, 2 tomes, 1178 p., 600 frs.


LE CATALOGUE INTERNET DE LA
BIBLIOTHEQUE DU CONGRES:

UN OUTIL DE TRAVAIL EXTRAORDINAIRE !!!

http://catalog.loc.gov/ et http://icweb2.loc.gov/catalog/

 

La Bibliothèque du Congrès (The Library of Congress) est à Washington l’équivalent, à l’échelle planétaire, de la Bibliothèque Nationale de France (Paris). Son catalogue est consultable sur Internet aux adresses http://catalog.loc.gov/ et http://icweb2.loc.gov/catalog/ Puis, il suffit de répondre aux questions et de cliquer " search ". En tapant les mots " boy-scouts " ou " scouting " dans la rubrique " subjects ", le résultat est fascinant: des centaines de livres sur le scoutisme dans le monde entier apparaissent ! En cliquant sur les titres, des fiches donnent tous les détails sur les livres: titres, auteurs, éditeur, langue... Bien entendu, on y trouve tous les ouvrages parus aux USA. Mais en tapant " scouting + France ", on y trouve, par exemple, un livre de François Lebouteux (L’école du chantier), celui de Philippe Laneyrie (Les Scouts de France), les rapports présentés aux Journées nationales des Scouts de France de 1937, la biographie de Marguerite Walther, brochure à tirage limité paru en 1942, le " Que-sais-je ? " d’Henri Van Effenterre sur le scoutisme paru en 1947 ou le livre de Jean-Jacques Gauthé (Le scoutisme en France. Répertoire...) paru en 1997 !!! Il est, de plus, possible d’obtenir des bibliographies sur le scoutisme dans chaque pays !!! C’est ainsi que l’on repère un manuel scout japonais paru en 1917 à Tokyo, une édition en russe d’Eclaireurs parue en 1910 à Saint-Petersbourg, des manuels scouts en indonésien ou en afrikaans , le livre Le groupe Emir Khaled de Belcourt : un maillon des scouts musulmans algériens : 1946-1962, ouvrage de 345 pages de Mohamed Tayeb Illoul paru en 1991 à Alger ou Scouts résistants de la cité ardente, livre de Guy Weber paru en 1991 à Dinant (Belgique) sur la résistance scoute à Liège... Le nombre d’ouvrages consacré à l’histoire du scoutisme en Europe de l’Est est prodigieux. C’est notamment le cas en Pologne où des dizaines de livres, en polonais..., retracent l’histoire du scoutisme. De nombreux historiques régionaux existent. La plupart ont été publiés à partir de début des années 80. On notera aussi de nombreux ouvrages tchèques, hongrois, ukrainiens, russes et des pays baltes.

La Bibliothèque du Congrès dispose donc d’un catalogue extraordinaire.

Il est à consulter impérativement pour tout travail sur le scoutisme
dans un pays étranger, voire même en France.

 

 

LE SCOUTISME DANS LE MAITRON

Fin 1997, le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français a été publié sous forme de CD-Rom. Cet ouvrage extraordinaire -il comprend 44 volumes contenant les biographies de 110.000 militants connus ou inconnus du mouvement ouvrier français de1789 à 1939- a été l'oeuvre de toute la vie de l'historien Jean Maitron (1910-1987). Aujourd'hui, ce monument continue avec la participation de 450 collaborateurs. La publication de cette somme sous forme de CD-Rom la rend beaucoup plus facilement exploitable que la version papier et nettement meilleur marché.

Il nous paru intéressant de voir ce que le Maitron pouvait bien contenir sur le scoutisme. Le CD Rom permet en effet notamment des interrogations par mot-clés. 27 notices au total contiennent les mots scout, scoutisme, éclaireur, éclaireuse ou guide. C'est peu, comparé par exemple aux Faucons rouges qui comportent 39 mentions, aux patronages (54 mentions), aux colonies de vacances (59 mentions) ou à la JOC (197 mentions). Mais l'analyse des notices scoutes permet quelques constations intéressantes.

Dix notices peuvent être éliminées d'emblée. Le scoutisme n'y figure que pour mémoire ou de manière marginale. Trois filières apparaissent dans les 17 autres notices restantes.

- Tout d'abord, celle du scoutisme comme outil de lutte nationaliste. C'est la cas de Mohamed Bilek, instituteur, militant nationaliste algérien dès 1930 puis socialiste SFIO à partir de 1945, vice-président des Scouts musulmans de Bône. C'est aussi le cas d'Ahmed Bouhelal, président-fondateur d'un groupe d'Eclaireurs marocains en 1933 à Rabat, militant nationaliste marocain.

- Ensuite, la filière du scoutisme catholique en lien avec la CFTC. C'est le cas d'Elie Bourliaud, chef du rayon chauffage aux Nouvelles Galeries de Bourges, responsable scout avant 1937 dans le quartier des Bigarelles, militant à la Jeune République, secrétaire de l'union locale CFTC en 1939, résistant dont l'épouse partageait les engagements. C'est aussi celui de René Rollin, militant CFTC dès 1923, membre des Scouts de France, puis de la JOC dont il fut permanent national de 1938 à 1941. Après-guerre, il fut élu MRP. C'est enfin le cas de Simone Troisgros, militante CFTC puis CFDT, élue MRP de 1945 à 1948. Cheftaine de guides dès 1924, elle rencontra son futur mari, également militant CFTC, dans une fête scoute...

- Enfin, la filière du scoutisme en général laïque, parfois protestant, vers les organisations de gauche. Les Eclaireurs de France sont l'organisation la plus représentée. C'est le cas de Robert Buisson, fils de cafetiers grenoblois, routier EDF, attiré par les idées socialistes, qui arborait avec ses camarades l'étoile rouge sur son uniforme...Exclu de l'association, il rejoint les Jeunesses communistes en 1929. Il deviendra secrétaire de l'union départementale CGT de l'Isère puis cadre des FTP durant la guerre. Georges Cisson représente lui la tendance silloniste au sein des Eclaireurs de France. Formé chez les maristes, militant à la Jeune République, aux Equipes sociales et à la CFTC dont il responsable local à Draguignan en 1939, il s'occupe également en 1940 des Eclaireurs de France dans une optique antigouvernementale. A partir de 1941, il diffuse le journal clandestin Témoignage chrétien puis rejoint le mouvement de résistance "Libération". Membre du Comité départemental de libération du Var, il est arrêté et fusillé le 17 juillet 1944. Roger Foirier est lui routier Eclaireur unioniste à Suresnes. Il les quitte pour participer à la création des Faucons rouges en 1932 puis à celle des Pionniers rouges, mouvement trotskyste, fin 1936. Roger Foirier apportera aux Faucons toute la pédagogie scoute.

On trouve également dans cette filière du Maitron, Robert Jospin (1899-1990), père de notre actuel Premier ministre. Enseignant, militant socialiste dès 1924, il sera commissaire Eclaireurs unionistes en région parisienne. C'est très certainement dans ce milieu qu'il faut chercher l'origine de son action au service de l'enfance délinquante dont il s'occupera de 1944 jusqu'à sa retraite en 1966. René Le Guen (1921-1993), cadre du Parti communiste et de la CGT à l'EDF, entre lui en 1933 aux Eclaireurs de France à Marseille. En 1943, il s'engage dans les Jeunesses laïques combattantes, groupe clandestin lié aux Eclaireurs de France. De là, il rejoindra la CGT puis le PCF où il deviendra en 1979 membre du Bureau politique. Sept autres notices illustrent des parcours voisins : Georges Galléano (1905), militant socialiste marseillais, franc-maçon, président départemental des Auberges de jeunesse en 1955-57, chef du groupe d'Hyères des Eclaireurs de France à partir de 1959, Jacques Gallienne (1908-1978), militant communiste puis trotskyste, membre des Eclaireurs unionistes dans sa jeunesse, Paul Hirzel (1918-1969), militant communiste puis trotskyste, formé chez les scouts juifs de Pologne, puis militant en France au sein des scouts sionistes socialistes de la Hachomer Hatzaïr avant de rejoindre les Faucons rouges puis les Pionniers rouges avec Roger Foirier, Maurice Laporte (1891), commissaire-adjoint du district de Paris-Nord des Eclaireurs de France en 1934, militant communiste à partir de 1938, Paulette Laugery (1920), éclaireuse unioniste à 13 ans et militante communiste à 16 ans, résistante et déportée, Gabriel Magnino (1907-1979), militant socialiste et de la Libre pensée, commissaire Eclaireurs de France du Var à partir de 1941, animateur Faucons rouges dans les années 50, Pierre Poujol (1889-1969), membre de la première troupe d'Eclaireurs unionistes dès 1912, ultérieurement responsable Eclaireurs de France puis Eclaireurs unionistes à Toulon, militant socialiste et du christianisme social.

Il est également remarquable de noter que ces militants sont pratiquement tous ignorés des autres dictionnaires ou ouvrages spécialisés tel le passionnant Dictionnaire biographique des militants de Geneviève Poujol et Madeleine Romer paru en 1996 aux éditions l'Harmattan. On peut aussi se demander si l'aspect de la carrière scoute des militants n'a pas souvent été oublié. Un exemple intéressant est celui de de René Mathevet mis en valeur par Philippe Laneyrie dans son travail Le scoutisme dans la région urbaine de Saint-Etienne, éléments d'histoire sociale, publié par le Cresal en 1989. L'auteur remarque l'action d'un jeune chef, René Mathevet, fondateur de la troupe 14° St-Etienne des Scouts de France en 1934-35, militant CFTC qui joue un rôle important lors des 100 jours de grève (juillet-octobre 1937) dont 45 avec occupation de l'usine Manufrance. Mathevet, membre du comité de grève, y est responsable des loisirs. Il y développe ce qu'il fait chez les scouts : chants, jeux, théâtre, auxquels s'ajoutent parties de cartes et de boules, bals. Le Maitron mentionne tout cet aspect de la carrière de Mathevet en omettant de préciser son action dans le scoutisme. De même, dans la notice consacrée à René Le Guen, l'auteur mentionne que plusieurs autres futurs responsables de la CGT et du PCF de Marseille firent du scoutisme chez les Eclaireurs de France. Il n'a pas été possible d'en établir une liste malgré les réelles facilités d'interrogation de ce CD-Rom.

Il est toutefois certain que la tradition du scoutisme et celle du mouvement ouvrier se situent dans deux sphères différentes. Claude Pennetier définit le mouvement ouvrier comme "l'ensemble des courants de pensée (...) qui mettent leurs espoirs d'une meilleure justice sociale (...) dans l'action de la classe ouvrière, des salariés et des couches sociales les plus défavorisées (...)" Cet objectif n'est pas celui du scoutisme, même si par son souci éducatif des points de convergence sont certainement apparus. On peut toutefois se demander s'il n'y a pas eu une sous-estimation du scoutisme comme moyen de formation et d'ouverture au monde pour des adolescents devenus ultérieurement des cadres du mouvement ouvrier. Jean Maitron avait d'ailleurs pressenti les difficultés auxquelles se heuterait son oeuvre : "On a parfois comparé le militant et plus généralement l'homme à un iceberg dont seule une partie est connaissable, la plus visible certes mais non obligatoirement la plus importante." La piste, difficile, des structures dans lesquelles s'est forgée la conscience des militants du mouvement ouvrier mériterait d'être approfondie. Il est probable que pour certains d'entre eux et plus qu'on ne le pense généralement, le scoutisme tant laïque que catholique a constitué une matrice de leur engagement ultérieur même s'il faut certainement différencier la portée de l'adhésion d'un adolescent de l'engagement d'un jeune adulte comme cadre dans un mouvement de scoutisme.

Quoiqu'il en soit, le Maitron est une publication qui force l'admiration. Rêvons de notre côté à un instrument comparable sur le scoutisme !!

Maitron, édition papier, aux éditions de l'Atelier, 44 volumes, 12.320 F. Edition Cd-Rom, pour PC et Mac, 3000 F pour les particuliers, 8500 F en consultation publique.

Jean-Jacques Gauthé