40 ans de scoutisme à Charonne
Groupe Saint François d’Assise
37ème (390ème Raider), 137ème, 237ème Paris.

 

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Repères Historiques
1924 – 1964

François CLEMENT

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4ème édition, décembre 2002

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Introduction


Voilà quelque temps, devant l’enthousiasme d’anciens se racontant le passé, nous avons souhaité rassembler des éléments de l’histoire du Groupe Scout de Saint Germain de Charonne. Ce Groupe Saint François d’Assise, du 20èmearrondissement de Paris, était formé des meutes, troupes et clans affiliés sous les numéros 37, 137 et 237èmeParis.

J’ai alors découvert que nous disposions déjà (quelle chance !) d’une histoire des jeunes années du Groupe. Rédigée en 1948 et 1949 par Léon Catusse puis Georges Chrétien, elle fut publiée en feuilleton dans le journal du Groupe “ Le feu du Conseil ”, impatiemment attendue à chaque numéro. Nous l’avons rapportée presque in extenso (nous avons seulement omis quelques descriptions touristiques), entre guillemets et en italique, comme d’ailleurs tous les autres écrits “ empruntés ”. Ce texte nous a conduit à poursuivre une narration chronologique.

Pour la première période, celle des “ Origines et jeunes années ” de 1924 à 1933, nous avons donc complété le texte de Léon Catusse par des précisions et souvenirs personnels de son frère Marcel. Nous avons aussi une photo de 1925, au tout début de la 37ème.

Pour la seconde de 1934 à 1945 le « Grand bond ”, nous reprenons aussi comme fond les textes de Léon Catusse et Georges Chrétien. Quelques souvenirs glanés chez les plus anciens les complètent et quelques archives et photos nous éclairent un peu plus sur les chefs, les patrouilles, la pédagogie, les techniques, les mythes et coutumes du Groupe d’alors : mais comme nous aimerions en savoir plus ! Pour la guerre, notre texte s’appuie seulement sur les souvenirs de quelques anciens et quelques rares photos.

Nous pouvons décrire la troisième période, de 1945 à 1954, celle de « deux troupes et trois meutes », en puisant dans des archives plus copieuses, dont les “ Feu du Conseil ” à partir de 1948, et avec des souvenirs plus nombreux et plus précis des uns et des autres. Nous disposons aussi de beaucoup plus de photos, dont celles du Père Lacoin que nous avons retrouvées grâce à son neveu François.

La dernière période présentée, « un nouveau souffle », de 1955 à 1964, est rédigée d’après mes archives personnelles et celles de mon frère Jean, et là encore, des souvenirs d’autres chefs et scouts concernés.

Nous nous sommes limités à l’année 1964 parce que nous ne connaissons pas ce qui s’est passé après : personnellement j’ai quitté le Groupe cette année là. Et les autres chefs en ont fait autant peu après. Triste retour de l’histoire : les difficultés de la création du Groupe en 1924 et 1925 sont dues pour beaucoup aux Paroisses qui n’y croient pas. Quarante ans plus tard, alors que sa situation est brillante, le Groupe suspend sa trajectoire car la Paroisse n’y croit plus !

Cependant, nous savons que le Groupe a repris vie plus tard et nous espérons que de plus jeunes anciens pourront nous en raconter la suite. Mais cependant, quel serrement de cœur en mai 2002, à la lecture de cet avis affiché à la porte de notre vieille église « pour les activités scoutes s’adresser à la Paroisse Saint Gabriel »…

L’histoire rédigée, une première édition n’a pas suffit à la demande, en voici donc une seconde ! Nous y avons apporté corrections et enrichissements. Vous nous pardonnerez ce qui reste encore de confusions, déformations et erreurs (ah, la mémoire orale !). Et vous vous empresserez de nous signaler d’éventuelles corrections, précisions et ajouts... pour une troisième édition !

J’ai beaucoup apprécié cette plongée dans un passé que je connaissais finalement très peu. Ce fut beaucoup de recherches, de recoupements et de vérifications. Il y a beaucoup d’incertitudes, beaucoup de lacunes, dont presque tout ce qui concerne les routiers. Mais cela a été aussi pour moi l’occasion de contacts formidables avec quelques anciens mythiques dont j’avais entendu beaucoup parler.

Comme sociologue et ancien Scoutmestre, attentif à la pédagogie scoute et à la vie des unités, au regard du panorama brossé j’ai confirmation de l’importance de la fluctuation des effectifs d’une année à l’autre, souvent aussi en cours d’année. Certes, les départs réguliers « en bloc » des CP et de quelques SP provoquent ces à-coup. Mais se pose aussi parfois une question de recrutement. Or celui-ci est fonction de la qualité du scoutisme vécu, et pour cela l’encadrement est une autre donne fondamentale. Existe-t-il des chefs et cheftaines adultes de qualité certes, mais formés, soutenus, qui peuvent rester longtemps en poste, qui ont le temps de former des assistants plus jeunes ? A chaque fois voilà un excellent scoutisme qui s’installe au Groupe.

A toi donc ancien petit loup, éclaireur, chef de patrouille, second, routier, cheftaine ou chef, ces repères historiques qui te rappelleront quelques moments de tes jeunes années. Car si notre scoutisme est dans les brumes du passé, il reste vivant dans nos âmes et nos corps. A tous ceux qui n’y verront que nostalgie, nous pouvons dire que notre vie d’homme s’est forgée pour partie aux scouts.

Sœurs et frères scouts, que vous reste-t-il de votre scoutisme ? Encore beaucoup d’autres repères sûrement, comme la prière scoute :

Seigneur Jésus, apprenez-nous à être généreux,
à vous servir comme vous le méritez,
à donner sans compter,
à combattre sans souci des blessures
à travailler sans chercher le repos,
à nous dépenser sans attendre d’autre récompense que celle de savoir que nous faisons votre sainte volonté.

Ou bien la formule de la promesse :

Sur mon honneur avec la grâce de Dieu, je m’engage à servir de mon mieux Dieu, l’Eglise et la Patrie ; à aider mon prochain en toutes circonstances, à observer la loi scoute.

Ou encore la loi :

Le scout met son honneur à mériter confiance
Le scout est loyal à son pays, ses parents, ses chefs et ses subordonnés
Le scout est fait pour servir et sauver son prochain
Le scout est l’ami des tous et le frère de tout autre scout
Le scout est courtois et chevaleresque
Le scout voit dans la nature l’œuvre de Dieu, il aime les plantes et les animaux
Le scout obéit sans réplique et ne fait rien à moitié
Le scout est maître de soi, il sourit et chante dans les difficultés
Le scout est économe et prend soin du bien d’autrui
Le scout est pur dans ses pensées, ses paroles et ses actes

Ou encore l’investiture Raider :

Voici l’insigne Raider, Rappelle-toi qu’il ne doit jamais être porté par un lâche, et qu’il t’oblige à tout risquer pour ceux qui sont dans la détresse, même ta vie

Quelles exigences vous êtes-vous dit parfois ! C’est peut-être pourtant ce « trop » qui a aidé bien des nôtres à tourner leur vie vers les autres, mais aussi, provoquant un recul salutaire, leur a permis d’acquérir une plus grande autonomie adulte.

Rendons hommage aux fondateurs du Groupe, aux aumôniers, cheftaines et chefs qui ont érigé, animé, développé ou maintenu la vie des unités par joies, vents et marées. Merci à ceux qui tissent la toile de nos rassemblements, à ceux d’entre vous qui ont contribué à faire revivre la mémoire collective par leurs souvenirs et leurs archives, et parmi eux, Marcel Catusse, Jean Jacques Albe, Claude et Michel Benoist, Jean Louis Cassou, Louis Hacquin, Pierre Verrier, Jean Clément.

Nous pensons aussi à tous ceux qui sont déjà partis, mais restent toujours dans notre cercle : scout un jour, scout toujours !


François Clément
Septembre 2002


Origines et jeunes années.
De 1924 à 1933


Voilà le mythe de la genèse du Groupe dans toute la saveur d’un lointain merveilleux, « les Gais compagnons de saint Blaise » …
Avec même un nom fabuleux pour celui qui dirige les premiers pas, Hathi.
La photo de 1925 nous laisse rêver, comme la narration des premiers camps. D’un seul coup tout notre scoutisme est là, le même que nous avons vécu plus tard.
Mais nous mesurons aussi toute l’énergie d’une cheftaine comme Camille Lelièvre pour des débuts tumultueux, et l’importance que notre Groupe, un des premiers à Paris, avait aux yeux des fondateurs des Scouts de France, le vieux Loup ou Lucien Goualle.
Nous n’oublierons pas le soutien des chefs venus de la 25ème Paris pour nos premiers pas. Bernard Maurer, Joseph et Jean Blaire, Raoul Séréne. Nous n’avons pas été ingrat, puisque plus tard à leur tour, des scouts du Groupe sont à l’origine de la fondation d’au moins deux troupes : la 108ème en 1936, au « Bon Pasteur », et la 127ème en 1957, à « Saint Jean Bosco », et que beaucoup de nos chefs ont aussi contribué à l’encadrement d’autres troupes.

1924
Léon Catusse écrit donc dans le « Feu du Conseil » de mai 1948 :
“ Peut-être avez-vous déjà été intrigués par l’inscription que porte le drapeau du Groupe, notre vieux drapeau tricolore “ Scouts de France, les Gais Compagnon de Saint Blaise ”. Mais vous n’avez sans doute pas poussé l’observation jusqu’à examiner de très près la couleur de la soie beige rose dans les broderies de l’ancien étendard de la 37ème, celui qui vient d’être remplacé, et que nous conservons comme une relique. Vous auriez remarqué que les chiffres n’ont pas tous été brodés en même temps. Dans les dates, le 6 de 1926 est différent du 1, du 9 et du 2. Dans le numéro de la troupe écrit en chiffres romains : XXXVII, les deux premiers X et le deuxième I sont également différents des autres. Pourquoi ? je vous le dirai la prochaine fois si vous n’avez pas deviné. Qui parmi les plus anciens et même les chefs, pourrait donner la clef de cette énigme ? Qui connaît, même vaguement les origines du Groupe ?
C’est cette lacune que je veux essayer de combler pour que les jeunes scouts sachent le passé de notre Groupe, en fixant par écrit la tradition orale, qui finit par se perdre.
Je tâcherai donc de retracer la vie et les aventures de la 37, et de vous faire connaître les hommes et les femmes qui l’ont faite ce qu’elle est : Aumôniers, cheftaines et chefs, au dévouement admirable qui lui ont donné le meilleur d’eux-mêmes, et l’ont fait marcher, coûte que coûte, à travers les difficultés.
Je voudrais que tous gardent leur souvenir, qu’on sache qui ils sont, lorsqu’ils reviennent chez nous, qu’ils y puissent s’y sentir encore chez eux, et non pas qu’on les accueille avec une indifférence polie, teintée d’un rien de curiosité : “ Qui est-ce ? – un ancien chef. – Ah, bien ”.
Souvenez vous du 20ème anniversaire, vous qui étiez là en 1946. Tous ces messieurs plus ou moins graves, barbus, chauves et galonnés, ce sont vos anciens. Ils ont porté le même uniforme que vous, prononcé la même promesse, chanté les mêmes chansons et dit la même prière.
C’est à eux tous que je dédie cet essai, pour la plus grande gloire du Groupe.
……………..
Il y a environ un quart de siècle, vers 1922, fonctionnait dans la paroisse un cercle d’études. Je fréquentais alors l’école maternelle, et il me souvient avoir vu dans le petit préau de la rue des Haies l’inscription “ Cercle Saint Louis de Gonzague ”. Je ne sais pourquoi ce détail est resté gravé dans ma mémoire. Ce préau est devenu le local de la 37ème et c’est le berceau du scoutisme à Charonne.

On commençait alors à parler du scoutisme catholique, et les Scouts de France étaient fondés depuis un an, par la réunion de trois troupes de Paris, à celles de Lille et du Creusot. L’Aumônier du Cercle qui avait entendu parlé du Vieux Loup et du Père Sevin, y introduisit cette idée, et le Cercle devint une troupe scoute, la XVIème Paris. Voilà donc l’explication de mon énigme du mois dernier : le Drapeau porte toujours le nom de la XVIème, “ les Gais Compagnons de Saint Blaise ”, et l’étendard a subi les modifications nécessaires pour transformer XVI en XXXVII. Ce sont de vraies reliques, bien plus anciennes que le Groupe lui-même ».

Les frères Catusse supposent que “ les Gais compagnons de saint Blaise ” qui sont à l’origine de la 16ème Paris, existaient depuis au moins 1922, issus du cercle Saint Louis de Gonzague. Une preuve en seraient les étoiles d’ancienneté que portent le CP (3 étoiles) et Camille Lelièvre (2 étoiles) sur la photo de 1925 ci-jointe. Ces groupes avaient déjà un uniforme inspiré de celui des boys scouts de B.P. « Les Gais compagnons de Saint Blaise » avaient peut-être été créés sous l’influence de Lucien Goualle, « Loup blanc du clair de lune », fondateur à 14 ans et en pleine guerre, des « diables blancs » (future 3ème Paris) sur la paroisse de l’Immaculée Conception, rue du Rendez-vous dans le 12ème arrondissement proche de Charonne. En 1918, Goualle se regroupe avec les « Intrépides du Rosaire » (future 2ème Paris) du 14ème arrondissement, pour fonder les “ Vaillants compagnons de saint Michel ». Lucien Goualle joue un rôle important lors de la création, en 1920, de la Fédération Catholique des Scouts de France qui deviendra, en 1932, l’Association des Scouts de France.

« Faire du scoutisme n’était pas alors une affaire des plus aisées ! On ne connaissait pas bien en quoi cela consistait, et la Hutte n’avait pas encore publié une abondante bibliothèque. Il fallait se procurer “ Scouting for Boys ” “ Patroll System ” et autres “ maîtres livres ”, et… les traduire. Comme ce n’était pas à la portée de tout le monde, on faisait sorties et réunions avec “ ceux qui savaient ”, généralement à la 3ème Paris, avec Loup Blanc, secrétaire général de la Fédération.
Les garçons n’avaient pas encore d’uniforme, et les branches n’étaient pas séparées : Scouts et Louveteaux avaient des activités communes. L’Aumônier, M. l’Abbé Durand, fit appel à Camille Lelièvre, pour diriger la meute. Il y avait à Paris, trois cheftaines en tout, qui devaient trouver par elles-mêmes, sans l’aide d’une expérience confirmée, la façon de conduire des louveteaux ».

Il y avait 60 louveteaux en France en 1922, 200 en 1926, 5 000 en 1928. La Meute de Charonne fut donc une des toutes premières crées à Paris).

« Je vous reparlerai, au début de cette histoire, de la cheftaine Lelièvre. C’est grâce à son dévouement et à sa persévérance que le Groupe a pu se maintenir dans les difficultés de ses débuts. Durant dix ans, elle a formé des louveteaux, faisant de sa meute une des meilleures de Paris : au cours d’un rallie d’Ile de France, un sizenier de la 37 a été classé parmi les premiers signaleurs, et le mât de meute disparaissait sous les rubans des badges. Elle a même dirigé la troupe, en l’absence de chefs, conseillant les C.P. et soutenant la volonté de persévérance de tous.
L’abbé Durand ayant quitté Charonne, le nouvel Aumônier fut hostile au Scoutisme, comme une partie du clergé, qui ne comprenait pas encore l’utilité de ces garçons en kaki. Il annonça donc, un beau jour, que le Groupe était dissous, et le matériel réparti entre des œuvres diverses. Ce fut, vous le pensez bien, un coup dur pour les chefs et les garçons. Par bonheur, Loup Blanc leur indiqua que les Pères Franciscains avaient fondé une troupe dans le voisinage, là ou se trouve actuellement le Bon Pasteur. Il fut décidé de s’y rallier. Cette troupe était la 37ème Paris. ”


1925
2700 scouts français. Léon Catusse poursuit :
“ En 1925, les Pères Franciscains furent chargés de fonder une paroisse rue de Charonne. C’est maintenant le Bon Pasteur, mais elle s’appelait à l’origine Sainte-Claire d’Assise.
Au mois de décembre, le Père Bernard Villette et André Safforès (Hippopotame maternel) réunirent les premiers éléments de la 37ème, auxquels vinrent se joindre quelques garçons de la 16ème, qui venait d’être dissoute, comme nous l’avons vu (…) Avec eux vinrent les Cheftaines Camille et Yvonne Lelièvre. Loup Blanc, dont je vous ai déjà parlé, présida la première réunion. Le Chef de troupe (on disait Scoutmestre : S.M.) s’appelait Xavier Dessaigne ; il n’est d’ailleurs pas resté bien longtemps à la troupe ».

Est-ce lui sur la photo de 1925, à la gauche du Père franciscain ? Ou est-ce André Safforès ? De combien de garçons, de patrouilles, se composait la 37ème à ses débuts ? Quels en étaient les noms ? Nous n’avons pas d’information sur ces points, mais sur la photo de 1925 on distingue deux CP et un nombre de garçons permettant de constituer deux patrouilles. Peut-être saurons-nous lesquelles un jour ?


1926
“ Mais bientôt, le 30 juin 1926, les Franciscains furent remplacés par les Fils de la Charité, qui ne voulaient pas de scouts dans leurs œuvres. La troupe rejoint donc le Père Bernard Villette au couvent franciscain de Fontenay-sous-Bois, tous les dimanche. Il en résulte une bonne et longue amitié avec la 2ème Fontenay, Sainte Claire d’Assise, troupe sœur de la 37, qui a le même foulard que nous, brun bordé de blanc, les couleurs franciscaines vraisemblablement. L’Union Familiale, rue de Charonne, donnait asile en semaine aux réunions de patrouille. Mais les Fils de la Charité, qui ne voulaient pas de troupe chez eux, ne pouvaient en tolérer une à leur porte. La 37 se trouva donc sans foyer !
Ce fut une dure année : pas de Chef, pas de local ! La troupe se maintint grâce à la Cheftaine Camille Lelièvre, qui aida les C.P. Les réunions se faisaient le plus souvent sur les bancs du boulevard de Charonne.


1927
Léon Catusse poursuit dans le Feu du conseil n° 5 de novembre 1948 :
« La 37ème fut affiliée le 11 mai 1927, quand elle était encore rue de Charonne, en présence du chef Scout Général de Salins et du Vieux Loup ».

La troupe a fait ses preuves pendant 2 ans, et peut alors être affiliée à la Fédération des Scouts de France. Les numéros sont attribués en ordre chronologique à l’affiliation. En 1927, le nombre de troupes a doublé.

« L’affiliation eut lieu en même temps que celle de la 38èmeParis, Groupe Saint-Dominique. Une curieuse coïncidence faisait ainsi entrer officiellement ensemble dans l’Association deux troupes éloignées dans l’espace (la 38ème étant sur la rive gauche) et de recrutement très différent, et qui, pourtant sont placées sous les vocables de deux saints ayant vécu à la même époque et fondé deux ordres très proches par l’esprit.
Au moment du premier camp - on peut supposer à Pornic puisque pour l’année suivante Léon Catusse parle d’un camp qui « a encore lieu à Pornic « - il y avait enfin un S.M. et de poids : Bernard Maurer, surnommé Hathi du nom de l’éléphant du “ livre de la jungle ”.
Camille Lelièvre, Hathi… Ce sont les deux premiers noms à retenir dans l’Histoire de notre Groupe. Ils lui ont donné l’impulsion qui l’a fait durer jusqu’à la guerre, et c’est toujours d’eux d’abord, que sont heureux de parler des anciens qui se rencontrent. ”

En 1938, Hathi raconte lui-même ses débuts dans le “ journal de bord de la 37 ” - qu’est devenu ce journal ?- extrait repris dans le “ Feu du Conseil ” par Claude Albe en 1951 à l’occasion du 25ème anniversaire de la troupe :
“ Petits frères, ne laissez jamais tomber la 37, le début a été si dur, si long, si incertain… Je pense si souvent à la 37. C’est que j’ai été mêlé à sa vie dès 1925, bien avant d’être désigné par hasard, pour m’en occuper. J’avais soigné en effet, durant le pèlerinage de Rome, un des scouts de la 37 très malade, un des contemporains de Dondoux, d’Issoulet aîné.
Et Léon Catusse raconte :
“ Beaucoup d’entre vous connaissent Hathi. Vous l’avez vu au 20ème anniversaire ; peut-être avez-vous campé à Orgeval ? Mais vous ne pouvez savoir ce qu’il est resté pour ceux dont il a été le Chef Routier au Clan Montalembert »
(Le Groupe Montalembert, sis au cercle d’étudiants du 104 de la rue de Vaugirard dirigé par le Père Plazenet. comprenait la 25ème Paris qui en un an en patrouilles, (quel que soit leur âge !) formait des futurs chefs destinés à encadrer les troupes qui se créaient. Les frères Blaire venaient aussi de cette troupe).
« Hathi était connu dans tout Paris, et quand on nous demandait notre troupe, nous annoncions : 37ème Hathi… Sa bonhomie était réputée, et célèbre la façon dont il racontait l’histoire de la Baleine, de Kipling, qu’on lui réclamait à tous les feux de camp où nous étions.
Mais ce qui le caractérise le mieux, c’est sa générosité et son dévouement inlassable. Il se donnait à tous sans compter, scouts ou malades, les confondant dans le même amour.
Maintenant médecin aux environs de Saint Germain en Laye, il est bien resté le même. Je l’ai vu dernièrement chez lui. Il n’a pas rejoint sa famille pendant les fêtes de Pâques parce que deux malades devaient avoir besoin de lui. Et toujours cette même bonhomie bourrue : il tempête après les malades qui le dérangent, mais n’hésite pas à partir, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Il pose une moto pour enfourcher l’autre. Et cela ne l’empêche pas, pourtant, de peser 140 kilos. ”


Léon Catusse poursuit :
« Après ce premier camp, en octobre ou novembre 1927, Monsieur l’Abbé Fabre depuis peu vicaire à Charonne, reçut de Monsieur le curé Montiton la charge de la 37ème qui retrouvait ainsi, rue des Haies, le local de la 16ème Paris.
Monsieur le Curé de Saint Georges ne m’en voudra pas de faire l’éloge de l’Ermite Grincheux, comme nous l’appelions avec une familiarité respectueuse (bien qu’il ne fut pas grincheux du tout !). Il resta notre aumônier jusqu’en 1936, époque à laquelle il fut nommé premier vicaire à Saint François d’Assise. Curé de Bagnolet pendant la Guerre, il n’y resta que peu de temps pour aller à Saint Georges de la Villette. Saint François d’Assise et Saint Georges ! Il semble que pour lui, si attaché au scoutisme, l’archevêché ait choisi spécialement des paroisses où il se retrouve, si l’on peut dire, en pays de connaissance !
Revenue rue des Haies, la Troupe partagea son local actuel avec la Meute : trois patrouilles : les Alouettes, Ecureuils, Pinsons, laissaient aux Louveteaux la place comprise entre les fenêtres des Hirondelles et des Cigognes actuelles et le mur du côté de la porte. Les Alouettes sont toujours à la même place, les Ecureuils occupaient le coin des Ramiers et les Pinsons, celui des Hirondelles. C’est d’ailleurs la même patrouille qui changea de nom en 1929 ».

On peut penser qu’une ou deux de ces trois patrouilles ont formé la troupe à l’origine. Alouettes, Pinsons ? Deux patrouilles au totem d’oiseaux, ce serait une belle référence au Saint Patron François ! Et que sont devenus les écureuils ?


1928
« Le camp 1928 eut encore lieu à Pornic, en commun avec la 56èmeParis (Saint Ambroise).
Hathi avait pour assistant à ce moment là, Joseph Blaire, l’aîné d’une famille qui donna quatre chefs au mouvement scout. Son frère Jean fut aussi son assistant, puis chef de troupe chez nous. C’est lui qui écrivit notre chant de Groupe. Il est maintenant aumônier d’une troupe d’Arras.
« Cette année là, les louveteaux ont enfin leur local : la baraque montée par les routiers dans la cour débarrassée de ses arbres ».
La fin de 1928 voit les premiers routiers du Groupe. Ils sont quatre, cette années là qui forment le Clan du Vieux Loup.
On pourra s’étonner d’un clan à effectif si réduit, car maintenant il suffirait à peine à une équipe, mais la Route était encore à ses débuts, et on utilisait l’appellation de Clan sans considération du nombre de routiers. Le premier compagnon (chef d’équipe) était André Safforès, le premier CP des Alouettes. »
Opterons-nous alors pour les Alouettes pour première patrouille de la ou 37ème , ou même 16ème ?


1929
« C’est au 1er avril 1929, au camp de Pâques de Secteur, à Nainville les Roches, que Hathi remit (aux routiers) le scalp jaune, vert et rouge, car novices et apprentis routiers n’existaient pas, ni la cérémonie du « départ ».
Faisant allusion à un camp de secteur il serait bon de préciser la position du Groupe dans le District. Les Districts étaient beaucoup plus étendus qu’ils ne le sont aujourd’hui, et Paris Est équivalait presque à la Province Saint Louis, qui a seulement empiété un peu sur les Districts Paris-Centre et Paris-Nord.
Le secteur B, le nôtre, comprenait un peu plus que notre actuel Paris Est II : 17ème, 37ème, 42ème, Montreuil et Bagnolet et, un peu plus tard 84ème. Il s’étendait en outre à la 62ème (Saint Joseph) et comprit aussi vers 1936, la 108ème fondée au Bon Pasteur par des routiers de chez nous. En banlieue, il allait jusqu’aux Lilas, à Rosny et Villemomble. Le secteur A se trouvait au sud du Cours de Vincennes, avec Vincennes et Fontenay.
Le Commandant Lhopital, aide de camp du Maréchal Foch (Lieutenant colonel depuis la dernière guerre où il avait repris du service actif) était Commissaire de District ; sa femme Cheftaine de District (nous dirions maintenant ACDM), s’étant légèrement blessée au genou à un camp de cheftaines, elle contracta le tétanos et en mourut. Le secteur B prit alors le nom de « Secteur Cheftaine Lhopital » que notre secteur porte encore.
Au mois de mai 1929, les Scouts prennent part au rallye de province d’Ile de France, à Orléans, pour les fêtes du cinquième centenaire de Jeanne d’Arc.
Le camp était monté sur les boulevards qui entourent la ville et cela ne valait pas une bonne clairière herbeuse, ou une couche d’aiguilles de pin.
L’été 1929 amène le groupe dans les Alpes : Saint Michel de Maurienne, Briançon. C’est pour la première fois l’attrait de la montagne qui remplace celui de la mer. Les louveteaux voient avec étonnement de la neige en plein mois de juillet ; et tous raconteront fièrement au retour qu’ils sont allés en Italie : en fait ils avaient fait un pas par delà la frontière, près de Briançon, mais cela ne fait rien, ils étaient bien à l’étranger.
Après ce camp nous fûmes représentés par quatre Routiers au Jamboree de la Majorité, à Birkenhend, le scoutisme avait 21 ans. Ce fut le premier des grands Jamboree qui eurent lieu ensuite tous les quatre ans, sauf pendant la guerre. Les Scouts de France y firent sensation avec leurs aumôniers en soutane, ce qui ne s’était pas vu en Angleterre depuis plusieurs siècles.

Lucien Fabre est toujours aumônier et Bernard Maurer (Hathi), alors interne à l’hôpital de Saint Germain en Laye est Scoutmestre. Jean Lapereyre est CT, Joseph et Jean Blaire sont assistants (depuis les débuts de la troupe). A la meute, les cheftaines Lelièvre. Chez les routiers André Saffores, LouisTillet et Denis Gaume. A l’époque le Scoutmestre est à la fois le Chef de Groupe et coiffe le chef de troupe et la cheftaine de meute, qui sont plutôt des assistants : les unités campent ensemble sous sa direction. Il y a 4 patrouilles, les Rouge-Gorges, les Hirondelles, les Alouettes, les Ramiers.

Marcel Catusse, entré à la meute en janvier et petit loup de la sizaine des bruns, se souvient de son voyage en train dans le filet porte-bagages, pour aller au camp des Alpes. Les sacs entre les deux banquettes permettaient de dormir en travers du compartiment. Les sacs à dos n’avaient pas d’armature. A l’époque il n’y avait pas de duvet. Les scouts dormaient sur un sac empli de foin ou d’herbe sèche. La couverture était repliée sur les pieds, les cotés par dessus, le tout maintenu par la ceinture. Les excursions avaient lieu en camion, déjà !…


1930
« En 1930, pas d’évènement bien marquant. Le cycle des fêtes de Jeanne d’Arc se continue par Compiègne, où nous participons à une procession aux flambeaux des plus impressionnantes, et à un grand défilé historique qui a travers la ville pavoisée et décorée de tapisseries, se rend au champ de courses, où nous assistons à une reconstitution de tournoi.
Le grand camp nous transporte en Bretagne entre Saint Malo et Cancale, sous le signe de la pluie. La petite pluie fine de Côtes du Nord ne nous lâche pas, et les routiers adoptent comme uniforme le ciré et le suroît jaune en toile huilée des pêcheurs malouins. Nous avons pu faire de superbes excursions : le Mont Saint Michel, la Rance remontée en bateau de Saint Malo à Dinan, voyage en mer qui épargne peu d’estomac ».

Le camp est dirigé par Hathi pour les routiers et scouts, assisté du SM Blaire et de l’ASM Lapereyre, par la cheftaine Lelièvre pour les louveteaux assistée de la cheftaine Guyot et de deux autres jeunes filles. Le prix du camp est de 275 francs, dont 45 francs de voyage. On se souvient d’une tentative de rejoindre le cap Fréhel sur le “ Solidor ”, avec un demi-tour pour cause de mer forte et trop agitée, et toujours en bateau dans le port de Saint Malo, d’un SOS lancé en Sémaphore (mais oui, ça sert !), par la cheftaine pour demander du secours : le batelier était complètement ivre...

« Les malades du camp (il y avait pas mal de rhumes) n’oublieront pas le château hanté qui servait d’infirmerie. On y entendait du bruit la nuit et les louveteaux assuraient même que c’étaient des bruits de chaînes.
« (…) Hathi avait emmené la 1èreSaint Germain en Laye qu’il venait de fonder ».
La fin du camp fut un peu attristée par l’annonce, au dernier feu de camp du départ d’Hathi, qui devait en septembre se marier et s’établir Docteur à Orgeval .
A ce camp de Bretagne, l’un des assistants de troupe était Jean Lapereyre, routier à la 25ème Paris, comme tous les chefs que nous avions à l’époque.
Nous étions assez fier à cause de sa prestance physique : au Jamborée de Birkenhead, il avait été choisi parmi tous les Scouts de France, comme le mieux « bâti », pour incarner le bourreau dans la représentation du martyr de Jeanne d’Arc.
Après qu’il eut quitté le Groupe nous n’avions de lui que de rares nouvelles pour finalement apprendre sa mort, peu de temps avant la guerre.

Après le départ d’Hathi, Joseph Blaire lui succéda, en octobre 1930, avec son frère Jean comme assistant. D’un caractère plus froid, il inspirait peut-être moins d’enthousiasme, mais savait obtenir les mêmes résultats de dévouement et de générosité de la part des garçons. Lié lui-même très fraternellement à celui qu’il avait aidé depuis quelques années, il voulait maintenir son esprit sur la Troupe ; il aimait surtout, quoique Scoutmestre, que nous persistions à l’appeler « Assistant », marquant ainsi que pour lui, le Chef était toujours Hathi. Il nous répéta maintes fois que, lorsqu’il nous quitterait il ne voudrait garder que le titre « d’Assistant honoraire ».
Pendant ce temps, à la Meute, la cheftaine Camille Lelièvre avait pour assistante une étudiante en droit Yvonne Guyot, aujourd’hui madame, Joseph Blaire. Ils se sont mariés en 1933, lorsque Jo était prêt à devenir notaire, et ce fut le premier mariage dans le Groupe, (et d’un).
Signalons avant de quitter Joseph blaire, que par une ironie de la totémisation, lui qui était appelé « Morse » eut le mal de mer en rade de Saint Malo. »


1931
« Continuant à parcourir la France en zigzag, nous plantions nos tentes, en 1931 dans les Pyrénées. Nouvelle formule pour la 37ème, ce fut un camp mobile : deux semaines sur la côte Basque, deux jours à Lourdes et la fin en pleine montagne.

Après avoir visité Bordeaux en passant, nous débarquions à Saint Jean de Luz d’où un tacot nous menait à Ascain, pays de Loti et des contrebandiers (les louveteaux en entendaient ou croyaient en entendre, touts les nuits sur un sentier qui longeait leur camp). Là nous fûmes reçus par un général anglais qui, au feu de camp, nous déclara être Commissaire de Baden-Powell et commander à quatre cent dix troupes de Londres. Sa grande joie était de voir que son bois brûlait bien !

La foi était si grande en cette région que le village se vidait entièrement à l’heure de la Grand Messe, et le Curé se plaignait de n’avoir pas plus de deux cents hommes aux Vêpres, sur un millier d’habitants !

Ce fut un de nos plus beaux camps, au point de vue pittoresque. Nous avons fort admiré l’architecture ancienne du pays basque, les églises avec leur chœur surélevé d’une vingtaine de marches et leur triple rang de balcons réservés aux hommes (les cheftaines restaient en bas), nous nous sommes enthousiasmés pour les parties de pelote basque, essayant nous-mêmes d’y jouer sous les regards ironiques des pelotaris.

Deux ans après la frontière d’Italie, nous avons vu celle d’Espagne au pont de la Bidassoa, avec ses gardes au curieux bicorne, que nous appelions le chapeau à balcon. Nous avons fait l’ascension de la Rhune, une montagne près de Saint Jean de Luz, où nous avons pu manger sur une table de pierre, à cheval sur les deux pays ! Une ligne gravée au milieu de la table représentait la frontière.

Quittant la côte basque après deux semaines nous gagnons les Pyrénées. Deux jours d’arrêt à Lourdes et participation à la liturgie, Messe à la Grotte et à la chapelle scoute de la basilique, visite de la Source Miraculeuse, procession des malades et émouvante procession du soir aux flambeaux. (Suit une petite description de la ville et Léon reprend) Un aspect du mercantisme nous a aussi fortement choqué. Ce ne sont partout que boutiques d’objets de piété, style Saint Sulpice, dont les trois quarts des marchands à en croire leurs enseignes, parents de Bernadette Soubirous ; cela semble une vaste exploitation commerciale du miracle. Quelle toute autre impression , par contre, on ressent à la grotte et sur le parvis : une atmosphère de FOI et d’ESPERANCE, au service de la Vierge et des malades.

Après ce pèlerinage, le camp se termine dans la vallée d’Argelès. Les tentes dressées sur une terrasse, dominant de haut la route, entourant la petite chapelle de la Piéta près de Saint Savin, où il y a une vieille église pleine de superbes sculptures, et qui possède également un très vieux Christ de bois d’une beauté rude.

La dernière semaine, agrémentée d’un bel orage dont le bruit se répercute de cime en cime, se passe en randonnée en camion, vers Luz, cité médiévale à l’église fortifiée, Argelès, Cauterets et les cascades du gave, enfin le Cirque de Gavarnie où, malheureusement, la grande Cascade manque un peu d’eau en ce début d’Août, et rebondit à mi-hauteur : d’habitude elle tombe d’un seul jet de la hauteur de la Tour Eiffel.

Les chefs à ce camp vous sont déjà connus : Joseph et Jean Blaire à la Troupe. A la Meute, une nouvelle assistante termine sa première année de scoutisme, Georgette Odoul, qui retiendra plus tard notre attention.

Le grand événement du début du camp fut l’adoubement de notre premier Chevalier de France (il n’y en eut d’ailleurs pas d’autre) André Safforès. Les parrains étaient Jean Blaire, Chevalier de France et la cheftaine Camille Lelièvre. Le cérémonial voulait en effet que deux Chevaliers de France répondent au récipiendaire, et la Scoutmaîtrise, par son choix de Camille Lelièvre pour remplacer le second, voulut lui rendre hommage en reconnaissant ainsi, d’une façon solennelle qu’elle était égale à cette dignité.
Après le camp des Pyrénées, la Cheftaine Camille Lelièvre quitta la meute, dont Georgette Odoul devint C.M. En même temps, Joseph Blaire, pour terminer ses études de Droit, confia la direction de la troupe à son frère Jean. »

A cette époque l’analogie entre la Chevalerie et le scoutisme était si forte au sein des Scouts de France, qu’on donna le titre de « Chevalier de France » à l’échelon le plus élevé de la progression individuelle. Le règlement de 1923 précisait : le Chevalier de France est un scout de première classe comptant au moins deux ans de service depuis sa promesse et ayant donné, depuis lors des gages marquants d’esprit chrétien, de valeur scoute et de persévérance ». Il devait en outre posséder au moins 12 brevets. Il était élu par la Haute Patrouille et les premières classes. Le titre et l’insigne étaient décernés par le commissaire de district.

L’insigne représentait un casque de chevalier brodé en soie jaune sur fond vert, et surmontant l’insigne de première classe. Le Chevalier portait une cordelière blanche et rouge avec 12 badges, double et d’or et quatre pompons avec 18 badges. (Une première classe avec six badges portait une cordelière jaune et verte à deux pompons). Il semble que les Chevaliers furent surtout nommés à l’âge routier. Leur insigne était alors sur fond rouge. André Safforès dû recevoir ce dernier.

Le titre de Chevalier de France fut remplacé par celui d’Ecuyer de France en 1942. Pour être Ecuyer de France d’après « Etapes » de l’édition de 1947, il fallait : « être un scout de première classe fort, viril, capable, qui est dans la patrouille et dans la troupe un exemple d’esprit scout et de joie. Recueillir au vote secret, les trois quarts des voix des membres de la Cour d’Honneur augmentée des scouts de première classe et des Ecuyers déjà reçus. Posséder les brevets d’acolyte, d’évangéliste, de campeur, de guide, d’aide secouriste, de pionnier, et deux autres parmi main habile, sauveteur, nature, observateur, topographe, messager ou gymnaste. »

L’insigne était une molette d’argent sur un pentagone à fond vert à liseré d’argent. La création des Raiders fit disparaître le titre. Quels scouts de la 37ème furent Ecuyer de France ?


1932
« Musicien, poète et chansonnier, Jean Blaire est l’auteur de notre chant de Groupe, ainsi que de bon nombre d’autres chants dont le succès dura longtemps à la 37 !
Vos chefs se rappellent encore la chanson des intendants (1933) :
“ C ‘est ma ceinture que je ne retiens plus,
Et, si çà dure, je n’en mettrais plus ”
Il y avait aussi un chant de marche, sur un air d’allure martiale, dans lequel, un brave homme de Visage Pâle demandait :
“ Dis-moi mon gars, qu’est-ce qu’il faut faire
Pour être un boy-scout merveilleux ?
J’étais autrefois militaire
J’ai du métier, çà gazera mieux… ”
A quoi les scouts répondaient, sur un air éclatant de trompette :
“ Bien loin d’être des militaires
Mon cher monsieur, nous sommes bien mieux ;
Des petits gars prêts à tout faire
Pour que le monde soit heureux. ”
Au cours de chaque camp, il nous donnait des chants satyriques ou d’actualité, (La plupart n’ont pas dû être conservés), commémorant les évènements joyeux ou pittoresques du camp, comme une “ cantate ” pour la visite de Monsieur le Curé de Charonne en 1932 :
“ Bonjour Monsieur le Curé
C’est gentil d’être venu, ”
Ou la chansonnette de 1931 qui mettait en cause un nez célèbre par sa faculté de rougir et peler au soleil avec la plus grande promptitude :
“ J’avais un nez
Frais comme un bouton de rose. ”
Aujourd’hui Monsieur l’Abbé Jean Blaire, Aumônier de la 5ème ( ?) Arras, n’a pas renié son talent, puisqu’il a publié, pour les scouts, un recueil d’harmonisation de chansons vieilles et nouvelles : “ Cigalons ”, dont Claude Albe, au début de la Chorale, nous fait chanter “ Ma Normandie ”.

On dit que Jean Blaire rédigeait ses chants dans le train et les scandait au rythme du passage des roues sur les extrémités des rails, qui à l’époque n’étaient pas soudés. On a retrouvé les paroles du chant de la 37ème, sur une feuille à l’en-tête “ Œuvre Sociale Saint François d’Assise ”, avec un programme routier au verso qui permet de la dater de 1943. Cette «Oeuvre » devait être la « raison… sociale » dont on se servait pour masquer l’existence du Groupe scout pendant la guerre.

CHANT DE LA 37e
(Paroles et musique de Jean Blaire)

REFRAIN
Scout de la trente septième
Ce nom que ton cœur aime,
Vas-y joyeux et fonce toujours devant
Te donnant sans retour et simplement,
Sans crainte et sans souci ; vas-y gaiement
Ohé les gars !
Que ton âme sereine,
Par les bois et la plaine
Rayonne dans tes chants joyeux
Prêt à servir et de ton mieux.

I
Veux-tu vivre l’âme joyeuse,
Le regard plein d’entrain,
Le visage serein.
Entendre la voix délicieuse
Du soleil radieux
Des forêts et des cieux

II
Jadis au début de l’histoire,
Les grands de maintenant
Etaient petits seulement,
La troupe apparut à sa gloire
Au moment où Hathi
Etait encore petit.

III
Partout sur les routes de France,
Des montagnes aux bois,
De la mer à l’Artois,
Nos chants, nos choeurs, nos espérances
Rayonneront joyeux
Dans les camps merveilleux.

IV
Enfant dont l’âme est toujours franche,
Le joyeux louveteau
Vit son rêve si beau
Plus gai que l’oiseau sur la branche,
Il met tout son entrain
Dans ce joyeux refrain.

V
Les scouts marchent la tête haute
Du matin jusqu’au soir
Au chemin du devoir
Pour tracer la route sans faute,
Ce sont les vieux routiers
Qui marchent les premiers

VI
Et quand Dieu viendra nous reprendre
Pour retourner au camp
Qui là-haut nous attend,
Nous irons joyeux pour nous rendre
Au Grand Rassemblement
Vivre éternellement.

“ A la même époque le Clan reçut un Chef. Il y avait alors deux patrouilles de Routiers : “ le Vieux Loup ” et “ Guynemer ”.
Souvenez-vous du Toulonnais, grand, maigre et barbu, qui vint un soir d’été il y a deux ans, vous parler de l’Indochine ! En 1932, Raoul Serène (qui se mariera avec Georgette Odoul, et de deux, et attendez, ce n’est pas fini !), nous arrivait du pôle Nord, où il avait accompagné le Commandant Charcot, comme océanographe. Jusqu’en 1939, on conserva au local de la Route, un manche de hache réparé avec un filin du “ Pourquoi Pas ”, sur lequel Raoul avait accompli le dernier voyage dont ce beau bateau devait revenir. Au voyage suivant, l’expédition Charcot se perdît corps et biens, du côté de la mer de Béring.
Avec sa verve méridionale il savait comment communiquer son amour pour les choses et nous parla tant de sa Provence, que nous y allâmes y camper l’été suivant !
Il était ami de Léon Chancerel, le créateur des Comédiens Routiers et avait adapté pour eux un conte provençal : « le Tambour de Roquevaire » ( 1933), qui tint une grande place dans le nouveau “ Théâtre Scout ”, ainsi qu’une “ Pastorale ” ou célébration de la Nativité du christ, dont les « Noëls Routiers » subissent parfois encore l’influence. ”
Raoul Serène faisait partie de la promotion d’honneur des Comédiens Routiers. Il fut instructeur au Centre Dramatique Scout, forma la première équipe d’apprentissage des Comédiens Routiers et était le régisseur du « Jeu de Lourdes ». Il fonda le Théâtre Scout d’Indochine.
« En été 1932, traçant par rapport au dernier camp une diagonale à travers la France, nous allons dans le Pas de Calais. C’est à Pas-en Artois, où demeure la famille Blaire, qui nous accueille, aux confins de l’Artois et de la Picardie.
Camp reposant, en pays plat : ce que les habitants appellent « ch’montagne » est une colline de trois cent mètres au plus. La petite rivière est très froide, car elle coule sous les arbres, dans un pays déjà pas bien chaud. Pas mal de pluie aussi, qui ne nuisait d’ailleurs pas à la joie, même au cours des excursions en camions. Nous fîmes connaissance avec l’architecture déjà un peu flamande, que nous retrouverons trois ans plus tard en Belgique. Nous traversons Doullens, Arras, Amiens. Nous allons à la mer : Berck, triste avec ses enfants allongés, et Paris-Plage, qui connaissait une grande vogue à l’époque, et où l’on pouvait à peine poser les pieds sur le sable, tant y étaient nombreux les gens couchés au soleil. »
Marcel Catusse, monté à la troupe cette année là aux Rouge-Gorges, avec Robert Guillot comme CP (R. Obéron est premier CP), est impressionné par les baigneuses “ en pyjama ”, large pantalon très ample, et large capeline. A l’époque il était très mal vu d’être bronzé, cela faisait vulgaire !
(…) Le point culminant de l’intérêt fut la visite des champs de bataille du Nord, surtout deux hauts lieux de la région : l’ossuaire de Lorrette, surmonté d’un phare, et les tranchées de Vimy (c’est là que, rencontrant l’évêque d’Ajaccio, un louveteau à qui il tendait son anneau à baiser, lui serra la main à la grande confusion de l’Abbé Fabre).
Pour la première fois, nous avons mangé au camp, dans une vraie salle à manger. Plus tard, nous verrons qu’en Belgique, il y eut des restaurants. Le docteur et madame Blaire, les parents de nos chefs, nous avaient invité à dîner, et il leur fallut une table d’une longueur vraiment imposante pour y faire asseoir tout le Groupe (nous étions une cinquantaine).
Quelques jours plus tard, nous les invitions à notre tour, au camp, à l’occasion de la visite de Monsieur le Curé de Charonne.
Nous campions sur les terres d’un brasseur, qui avait offert de la bière pour la circonstance, et la table d’honneur était dressée sur des tonneaux. Le repas préparé par les cheftaines, était servi par les CP en tablier blanc avec la serviette sur le bras, tout à fait dans les règles.
En rentrant de ce camp, Raoul Serène nous quitta pour faire son service militaire dans la marine, en Indochine.
En 1932 et 1933, les mêmes chefs restaient à la tête des unités : Jean Blaire à la Troupe et Georgette Odoul à la Meute. Ils avaient comme assistants Roger Odoul, CP des Ramiers qui quitta sa patrouille pour la scoutmaîtrise après le camp et Blanche Chevalier.

1933
Léon Catusse décrit le grand camp de cette année 1933, et son récit révèle des détails sur le mode de vie scoute de l’époque :
“ 1933 fut marqué par un camp riche en évènements. Raoul Serène nous avait tant parlé de sa Provence que nous avons décidé d’y aller camper.
Nous arrivâmes donc à Sanary, près de Toulon, où le mistral nous attendait. Il fallait maintenir les toiles avec de grosses pierres au grand dommage des têtes des dormeurs agités. Monsieur l’Abbé Fabre avait cru astucieux de poser sur les bords de sa tente les pieds de son lit de camp (ses reins lui interdisait absolument de dormir à terre), croyant obtenir une fixation. L’Aumônier avec sa tente était soulevé par le vent, il dû chercher asile en pleine nuit dans une tente de patrouille. Avec le vent, le soleil. Les intendants achetaient le talc par livres pour saupoudrer les épaules des imprudents qui, dès les premiers jours, s’étaient contentés d’un maillot de corps comme tenue de camp.
De tous mes camps c’est le seul d’ou la pluie ait été absente, mais, hélas ! le feu en profita. Cela commença par la bergerie de la propriété de nos hôtes. L’incendie déclaré par une cause non définie (…) en peu de temps il ne restait plus rien de la bergerie en bois. Comme nous étions en haut d’une colline, il n’y avait qu’un puits très profond, d’où l’eau était tirée par une noria, sorte de chaîne à godets mue par un cheval, et cela ne débitait pas beaucoup. Nous avons essayé de sortir les moutons, mais, dès qu’on en lâchait un à quelque distance, il retournait dans le feu : environ quatre-vingts sur cent vingt furent brûlés. Puis, dans la dernière semaine du camp, nous eûmes un spectacle semblable à celui qui vient de se dérouler dans les landes. Une immense forêt de pins brûlait, et le vent qui poussait l’incendie (vers la mer heureusement) portait les gaz échauffés et les escarbilles parfois à plusieurs kilomètres, où un nouveau foyer s’allumait. Ne sachant pas à quelle distance se trouvait l’incendie masqué par les collines, les routiers et la patrouille aînée ont veillé toute une nuit, pour surveiller la marche du feu, dans la crainte qu’il ne gagne la colline où nous campions. ” - Marcel Catusse se souvient que l’abbé Fabre fut ensuite à l’affût du moindre morceau de verre ou boite de conserve susceptibles de mettre le feu... - “ A côté de ces souvenirs tragiques nous avons gardé ceux d’excursions splendides. En trois jours, nous avons parcouru toute la Côte d’Azur, jusqu’à la frontière italienne, puis nous sommes revenus par l’intérieur de l’Esterel. A l’arsenal de Toulon, nous avons pu visiter le croiseur Foch, et admirer toute l’escadre de la Méditerranée, réunie à ce moment dans la rade. Nous avons vu toutes les villes de la côte, célèbres stations de villégiature. Les garçons ont été vivement frappés par une végétation nouvelle pour eux : palmiers et plantes exotiques, dans les rues et les jardins. Au retour, nous sommes passés à travers les gorges du massif de l’Esterel et les champs de fleurs de Grasse.
A la fin du camp, deux d’entre nous partaient représenter le Groupe au Jamboree de Godollo en Hongrie, et Jean Blaire nous faisaient ses adieux pour entrer au séminaire. Il fut remplacé, en octobre, par Roger Odoul, le premier chef sorti de la troupe, alors que ses prédécesseurs venaient tous de la 25ème Paris. ”
Marcel Catusse ajoute à ces souvenirs que les routiers (André Schlesser, qui fut « Comédien Routier », Denis Gaume, Léon Catusse, Max Ménager), s’étaient chargés de l’intendance, et qu’à la porte de l’église de Sanary était affichée “ les personnes du sexe sont priées de ne pas entrer dans l’église en pyjama ”.

Grand bond.
De 1934 à 1944

Après les années de mise en place du Groupe, s’ouvre la période dynamique et enthousiaste qui correspond au développement général du scoutisme. Chaque jour est une invention, à Paris comme aux camps, mais le cadre est maintenant bien défini et l’organisation bien au point.
Le mythe de la Chevalerie, mêlé d’un peu d’indianisme, est favorable à une spiritualité qui n’est pas contestée dans notre paroisse. Servir son prochain… A Saint Germain de Charonne on est en terrain de mission : sur la « zone » des fortifications et même sur une partie du 20ème arrondissement à la sociologie populaire.
En tous cas on vit un scoutisme généreux, de qualité et de fêtes, avec des chefs plein de talents : Roger et Georgette Odoul, Jean Aine, Marie Louise Dietrich, André Schlesser, Léon et Marcel Catusse, Georges Chrétien ...
Avec des années parfois moins brillantes, le Groupe arrive toutefois en pleine forme en 1939 comme en témoigne la richesse des effectifs à cette date.
C’est malheureusement une période de drame aussi, les accidents mortels de Paul Chrétien et du Père Yves Le Lorrain, la maladie fatale de Joseph Cordeiro… et la guerre !
Frappé dans son essor, le Groupe marche vaille que vaille de 1939 à fin 1940, en attendant des jours meilleurs.
Les aînés sont dispersés et le Groupe vit la clandestinité, devenant un temps « Oeuvre Sociale Saint François d’Assise ».
Mais assez vite, de jeunes chefs (Jean Guelf, Paul Dufourcq, René Piessès, Odile de Lussigny, Jean Jacques Albe…), relèvent les anciens en captivité. les activités reprennent, les camps ont lieu, sauf en 1940 semble-t-il. Louis Hacquin encadre les routiers du District, puis le District lui-même.
Finalement à la Libération le Groupe est toujours là, prêt à un nouveau développement.

1934
Léon Catusse :
“ Pour la seconde fois 1934 nous amène dans les Alpes. Au lieu des pics du briançonnais c’est le lac d’Annecy qui nous accueille »
(Marcel Catusse se souvient que la traversée d’Annecy à Menthon s’est faite en bateau à aubes),
« (…) C’est en effet au château de Menthon que nous campons. De nombreux scouts nous y ont déjà précédé, où le livre d’or que la Comtesse présente aux Chefs porte les signatures du Chanoine Cornette et du Général de Salins.
Au château, vrai nid d’aigle semblable un peu aux burgs allemands, on montre la fenêtre par laquelle Bernard de Menthon (Saint Bernard) sauta sur les rochers pour fuir sa famille qui voulait le marier, et s’engager au service de Dieu.
La propriété à flanc de montagne, est dominée par une haute muraille rocheuse, les dents de Lanfon, qui se dresse face au soleil couchant, et prend tous les soirs des teintes merveilleuses, passant par toutes les gammes de violet.
Devant nous, s’étend le lac, que nous apercevons au dessus des arbres couvrant la pente, et dans lequel nous allons nous baigner. Le camp est bordé par un ruisseau et une cascade nous permet des douches froides tous les matins.
En longeant le lac vers le sud est, on arrive à la Tournette, au dessus du village de Talloires. Les Chefs et les Routiers en ont fait l’ascension, un soir, couchant à mi-hauteur, pour arriver au sommet le matin avant le lever du soleil. Et c’est un spectacle féerique qui nous a été offert aux environs de 3000 mètres d’altitude : le soleil éclairant peu à peu les pics plus ou moins neigeux et jaillissant enfin de l’autre côté des Alpes.
Nous voilà partis pour le Grand Saint Bernard. Nous arrêtant à Chamonix, nous escaladons le Mont Blanc jusqu’à la gare du funiculaire de Montenvers, et redescendant à travers la mer de glace. Puis (…) nous arrivons au col du Grand Saint Bernard, où nous recevons l’hospitalité des Pères, à l’hospice, après avoir fait connaissance avec les célèbres chiens d’avalanche. -suivent des considérations touristiques non reprises ici-.

Pendant que la troupe était en Savoie, la meute visitait l’Auvergne, aux environs de Saint Flour. (…) ».


1935
“ Au cours de l’année 1935, il n’y a pas de changement notable dans la troupe et sa Scoutmaîtrise. Mais, à la meute, Georgette Odoul nous quitte pour le louvetisme du district, et Blanche Chevalier pour la 84ème Paris. La meute passe donc entre les mains de Marie Louise Dietrich, avec Georgette Mousseau, déjà assistante de Georgette Odoul . (Georgette Mousseau se mariera avec Louis Tillet, et de 3 !).
Le camp, dirigé par Roger Odoul, nous appelle cette année en Belgique. Le débarquement à Ougrée, près de Liège revêt une allure solennelle : la troupe d’Ougree nous attend sur le terrain de camp et accueille au cri de “ Vive